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Audition de la FAPEE - assemblée des Français de l’étranger (oct.2018)

M. Francois NORMANT, de Mme Virginie ROYER et de Mme Isabelle TARDÉ, président, Vice-présidente et déléguée générale.
Rapport de Jean-Hervé Fraslin

La FAPEE se veut informée, exigeante et constructive pour la défense et la promotion du réseau de l’enseignement français à l’étranger.
 C’est avec cette motivation et dans cet état d’esprit que la FAPEE s’est réjouie de l’annonce majeure pour l’avenir du réseau que le Président de la République a faite lors de son discours du 20 mars dernier. Il s’est engagé à « consolider, dynamiser [le réseau] pour garantir sa pérennité », à maintenir les moyens et à ce que « le nombre d’élèves accueillis au sein du réseau scolaire français » double d’ici 2025-2030, avec l’appui d’établissements partenaires et en développant des pôles régionaux de formation.
Jusqu’à présent, la FAPEE n’avait pu qu’exprimer son opposition à la tendance longue de hausse des frais de scolarité en compensation de la diminution de l’engagement financier de l’Etat depuis 2012, à la baisse du nombre de titulaires et plus généralement au manque d’ambition qui était assignée au réseau.

Dans une note aux candidats à l’élection présidentielle de mars 2017 et lors de déclarations aux différents conseils d’administration de l’AEFE, la FAPEE avait systématiquement alerté sur des mesures qui mettaient en péril l’avenir même du réseau de l’enseignement français à l’étranger et réclamé le lancement d’un chantier plus ambitieux.

 Et aujourd’hui, force est de constater que malgré plusieurs auditions et rencontres avec des hauts fonctionnaires qui travaillent sur la réforme de l’AEFE, les représentants des parents n’ont toujours pas été associés à la définition des objectifs stratégiques, et à une réflexion approfondie sur les moyens à mettre en œuvre.
La FAPEE pense qu’ils devraient l’être, car les parents d’élèves financent aujourd’hui 63% du budget de l’AEFE et environ 80% du budget global du Réseau (1,85 milliard d’euros sur un total de l’ordre de 2,3 milliard) et parce qu’une école c’est avant tout un projet collectif, un investissement sur 14 ans pour les familles et une adhésion des parents et des élèves à un projet pédagogique.
 Il ne s’agit pas non plus de réfléchir seulement à une réforme de l’AEFE - nécessaire 28 ans après sa création - mais d’avoir une vision plus large sur tout ce qu’implique l’annonce présidentielle.
 Il faut s’interroger sur le pilotage stratégique du réseau qui doit prendre en compte l’évolution de la présence française à l’étranger, les possibilités de scolarisation alternatives dans le pays et le marché de la scolarité française face à la croissance des offres concurrentes. 
 
Il faut aussi s’interroger sur sa mise en œuvre car le doublement du nombre d’élèves suppose la capacité à créer entre 50 et 60 établissements de 400 élèves par an, d’ici à 2030. C’est très ambitieux et ceci oblige à repenser les moyens financiers, la gouvernance du réseau et l’offre pédagogique.
Cette ambition exige de ne pas s’en remettre seulement à des partenaires privés comme l’a évoqué le Président de la République, mais requiert une réflexion approfondie sur la capacité des structures actuelles à envisager une telle croissance.

La vision de la FAPEE peut se résumer ainsi : 
 La FAPEE partage les missions qui ont été assignées au réseau par le législateur : mission de 
scolarisation des élèves français, mission d’influence par l’accueil d’élèves étrangers dans les établissements d’enseignement français et coopération entre les systèmes éducatifs français et étrangers ; 
 La FAPEE considère que

1. L’AEFE devrait être renforcée dans ses missions de gestion et de recrutement du personnel
détaché, dans ses missions d’homologation, de formation et d’inspection ;

2. L’AEFE devrait rétablir la relation de confiance qu’elle entretient avec les familles qui ont, pour la plupart d’entre elles, volontairement choisi l’école française. Cela passe par une maîtrise des coûts et une transparence budgétaire pour rassurer sur la capacité des familles
à financer les 14 ans de scolarité d’un élève ;

3. L’AEFE doit développer sa mission de promotion du réseau en s’appuyant sur ses meilleurs
 ambassadeurs : les parents d’élèves et les alumni. Il convient de renforcer le partenariat effectif avec les parents d’élèves, dans un esprit constructif que ce soit dans la gouvernance de l’AEFE, et au sein des établissements à gestion directe ou conventionnés. 
 

En conformité avec cette vision, la FAPEE a élaboré 50 propositions, et qui pour certaines s’inscrivent dans la continuité du rapport Lepage-Cordery de décembre 2014, du rapport Perret de juillet 2015 et du rapport de la Cour des Comptes d’octobre 2016. Ces propositions, parfois très techniques, sont disponibles sur le site Web de la FAPEE.

Parmi ces propositions, la délégation a tenu à souligner les suivantes :

Permettre aux parents d’élèves d’être mieux représentés au CA de l’AEFE et dans les conseils d’établissements, et associer les représentants des parents autant à la préparation du budget de l’AEFE que des budgets des EGD ;


 Donner une visibilité sur les coûts de fonctionnement du réseau en fournissant toutes les données analytiques disponibles ;

 Corréler l’évolution de la dotation budgétaire à l’AEFE à la croissance du réseau et corréler l’évolution de l’aide à la scolarité à la croissance du nombre d’élèves français dans le réseau ;

 Faire prendre en charge la part employeur des pensions civiles des personnels détachés en
totalité par l’Education Nationale quel que soit le type d’établissement ;

 Donner plus d’autonomie financière aux EGD et en particulier une capacité de financement des
projets immobiliers ;

 Permettre une véritable gouvernance partagée dans les établissements conventionnés et
reconnaître à la convention son caractère contractuel ;

 Intégrer aux critères de l’homologation un cahier des charges précis sur le taux d’encadrement
afin de garantir une qualité d’enseignement identique dans tous les établissements du réseau ;

 Privilégier le développement de pôles régionaux de formation - annoncés par le Président de la
République - dans les pays à faible vivier de recrutés locaux compétents ;

 Dans les pays où cette offre existe, favoriser le développement de filières françaises ou francophones dans le système scolaire local et dans le cadre d’une vision européenne, privilégier des passerelles entre les systèmes éducatifs avec la perspective à long terme d’une
scolarité européenne.


La Délégation de la FAPEE a souhaité apporter un éclairage sur les établissements partenaires sur lesquels le Président de la République souhaite s’appuyer pour doubler le nombre d’élèves scolarisés dans le réseau. D’aucuns dénoncent une privatisation du réseau, or le réseau est déjà privé à plus de 85% et la grande majorité des établissements privés sont actuellement à but non lucratif et gérés par des parents bénévoles ou des organismes de type fondation, et ceci de façon tout à fait vertueuse. 
En revanche, il convient de s’interroger sur le développement d’établissements à but lucratif sur un marché avec des perspectives commerciales certaines.

Cela conduit à questionner

1. la subvention indirecte à ces établissements à but lucratif via la prise en charge de la part patronale des pensions civiles des personnels détachés comme c’est le cas actuellement ;

2. le versement des bourses scolaires aux élèves fréquentant des établissements à but lucratif alors même que les écolages seront calculés de façon à permettre de dégager un profit ;

3. la pérennité de ces établissements lorsque la rentabilité pour l’investisseur deviendra moins intéressante et que ce dernier sera tenté de mettre la clef sous la porte.


Sans vouloir aller contre le sens de l’Histoire, la FAPEE propose toutefois :

1. d’imposer un contrôle budgétaire aux établissements à but lucratif pour limiter la hausse des frais de scolarité et préserver la mixité sociale ;

2. d’instituer par une obligation juridique, un droit de reprise de l’établissement par les parents d’élèves à la valeur de l’actif net en cas de volonté de fermeture par l’opérateur.


Après cet exposé, la discussion s’est engagée avec les membres de la Commission sur la réforme en cours de préparation et sur diverses préoccupations des parents d’élèves. Cet échange peut être résumé comme suit :
Sur les réflexions et travaux en cours pour préparer des propositions de réforme qui seraient présentés par le Ministre de l’Europe et des Affaires Etrangères au Président de la République, la FAPEE considère que les parents sont tenus à l’écart du processus par l’administration.
Si la FAPEE a bien été auditionnée par le groupe de travail dirigé par Mme Maryse BOSSIERE, elle n’a eu aucun retour sur ses propositions et ne sait pas si elle a été entendue et comprise. La FAPEE regrette vivement que le rapport de ce groupe soit jusqu’ici resté interne à l’administration et qu’aucune discussion réelle ne soit engagée.
La FAPEE a été auditionnée par Mme Samantha CAZEBONNE, députée des Français de l’étranger, nommée par le Premier Ministre parlementaire en mission.
La FAPEE compte sur les élus des Français de l’étranger, et tout particulièrement sur les élus consulaires pour que les réformes en cours de préparation donnent aux parents la possibilité d’exercer pleinement leur rôle et leurs responsabilités aux côtés des deux catégories d’acteurs qui actuellement cogèrent seuls l’AEFE : administration et syndicats.
La FAPEE est très attachée à la qualité de l’enseignement français à l’étranger. Elle constate que cette qualité repose principalement sur les enseignants titulaires de l’éducation nationale détachés dans les établissements. Mais il est clair que la proportion des titulaires va continuer à diminuer au profit des enseignants recrutés localement. Il est donc essentiel de mettre l’accent sur la formation de ces « recrutés locaux », que ce soit par la formation continue ou, à chaque fois que c’est nécessaire, par la formation initiale complémentaire.
La FAPEE n’a aucun a priori sur les différentes formules possibles en cours de développement mais elle souhaite qu’un bilan objectif soit dressé : Diplôme universitaire proposé par les Universités en lien avec les écoles supérieures du professorat et de l’éducation (ESPE), formations certifiantes organisées par des pôles régionaux de formation (Liban, Mexique,...) ou formation continue dispensée par des établissements mutualisateurs ou encore d’autres formules à créer, par exemple en lien avec la coopération éducative financée par l’AFD.
Rédigé par Jean-Hervé Fraslin