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Les Echos | L’enseignement français à l’étranger, une offre éducative adaptée à la mondialisation

par JEAN-CHRISTOPHE DEBERRE / Directeur Général de la Mission laïque française

Vu de France, l’enseignement français à l’étranger est ce "cousin de province" dont on sait vaguement ce qu’il fait, que l’on aime bien, mais que l’on connaît mal. Avec ses 500 établissements payants, son public est trop vite placé dans la catégorie des privilégiés.

On le cherche en vain dans le débat national, alors qu’il s’adresse à plus de deux millions de Français expatriés, ainsi qu’à de nombreux étrangers soucieux de faire en sorte que leurs enfants bénéficient de l’enseignement français. On en parle comme d’un enseignement d’excellence et un atout pour l’influence française. Mais dans un monde qui bouge et qui questionne les certitudes les mieux établies, comment, pourquoi et pour combien de temps va-t-il le rester ?

Un pouvoir attractif pour le supérieur en France ?

L’école est devenue l’antichambre des études supérieures dont la plupart des familles rêvent pour leurs enfants ; et elles y pensent bien longtemps avant le baccalauréat. À l’étranger, notre premier effort porte sur la valorisation de l’enseignement supérieur français, suite logique d’une scolarité en français.

Mais nous savons aussi l’intérêt de nos contemporains pour une mobilité ouverte, qui trace des itinéraires personnels aujourd’hui très variés, empruntant parfois à plusieurs expériences et modèles d’enseignement supérieur et de recherche. L’une des vertus de l’enseignement français à l’étranger est qu’il est un atout de réussite universitaire très efficace, car il forme des jeunes plurilingues et pluriculturels à forte capacité d’adaptation.

Quand nous parlons de mondialisation des échanges, nous pensons plus spontanément à l’économie, à l’entreprise et à la finance qu’à l’école. Ce serait mésestimer le fait qu’être formé dans une langue et une culture étrangères constitue un patrimoine inaliénable pour ceux qui les ont fréquentées et l’enseignement français y réussit très bien.

L’enseignement français à l’étranger régi par les lois locales

En France, l’école reste encore un domaine largement régalien : l’État la finance et la régule par la loi. Or l’école étrangère est soumise aux lois locales, souvent strictes. Elle n’échappe plus à la règle et ne jouit que rarement du privilège d’extraterritorialité. On oublie qu’elle n’existera que si elle apprend à être un outil de coopération, à faire preuve de souplesse et de disponibilité, donc d’adaptation intelligente à des normes qui ne sont pas toujours les siennes. Ces contraintes interrogent son pilotage et son évaluation par l’État.

Rester compétitif et affirmer sa valeur à l’étranger

L’un des acquis aujourd’hui est que pour tout le monde, riches ou pauvres, l’éducation des enfants est une priorité ; c’est souvent le premier budget des familles des classes moyennes. L’école est devenue un marché concurrentiel impliquant États et institutions privées. Hors de nos frontières, l’école française ne constitue plus l’une des seules offres de référence. Il lui faut affirmer sa valeur par rapport à d’autres modèles et convaincre des publics exigeants tous les jours mieux informés, plus connectés. Une dynamique qui doit être réalisée sans céder d’un pouce sur l’ambition pédagogique et éducative qui fait sa réputation : celle de former de jeunes citoyens libres et responsables.

La langue : une ressource qu’il faut valoriser

L’usage généralisé de l’anglais et l’usage extensif des langues comme l’espagnol, l’arabe, le mandarin, influencent la demande et l’offre scolaires. Le statut de la langue française la protège encore. Elle est l’une des grandes langues internationales, mais elle n’est plus une langue d’usage universel. L’école française doit donc montrer de sa capacité à faire apprendre les langues et apprendre en langues. C’est ce qu’exigent les familles.

L’enseignement français à l’étranger doit inspirer confiance

Enfin, même le public français n’est plus captif. Aujourd’hui, la France compterait plus de 2 millions d’expatriés, pour moitié dans l’Union européenne. Or, 345 000 élèves sont scolarisés dans les quelque 500 établissements d’enseignement français à l’extérieur et les deux tiers sont des enfants non français. Il n’existe pas d’étude documentée sur ce sujet, mais le fait est qu’une proportion importante des jeunes Français expatriés ne fréquente pas une école française. Certains de nos compatriotes optent pour l’immersion de leurs enfants dans un système scolaire national. À leurs yeux cela procure une meilleure garantie d’insertion dans le pays d’accueil. C’est un choix courant aux États-Unis et dans certains pays d’Union européenne. Il arrive aussi que le coût de l’école française en rende l’accès impossible.

Autant de constats qui nous questionnent. Le classement, le "benchmarking" scolaire et universitaire ont fait irruption dans le débat français. L’université française se bat pour augmenter son attractivité et le privé mord sur le public quand l’offre ne convainc pas les parents. Nous nous devons de préserver le modèle des écoles françaises à l’étranger, tout d’abord car ce sont des bastions de présence et d’influence importants, mais également, car ils sont une porte d’accès à la culture française pour la jeunesse internationale. Dans ce contexte de mondialisation croissante, quel meilleur pari que celui de l’avenir ?

Les Echos/30/10/2018